J’aurais aussi pu appeler cette page « Le volcan », car tout est « volcan » ici : les deux sommets de l’île, sans parler de tous les cônes éparpillés dans les paysages, le Kilauea volcan très actif au sud-est, les pentes traversées de coulées de lave, les côtes faites de blocs de lave noire, les plages de sable noir…
Petite baignade
On est le lendemain de mon expérience mystico-nautique avec la V6 et Kai Ehitu. Je suis bien décidé à recommencer. Je reviens à la plage à 7h00. Trois pirogues sont prêtes à partir, avec … 18 membres du club. Les comptes sont vites faits : 3 x 6 = 18. Les 3 bateaux sont au complet. Je ne partirai pas avec eux.
J’assiste à la mise à l’eau. Et au rituel complet : les 3 va’a attendent juste au bord de la plage, les équipages à côté. Richard, un peu à l’écart, les pieds dans l’eau, récite une prière en maorai. Je suppose que c’est un appel à la clémence des divinités maritimes pour la sortie.
A la fin, il prend sa conque, et souffle trois fois vers le Sud, 3 fois vers l’Ouest, 3 fois vers le Nord. Pourquoi pas vers l’Est ? J’ai une réponse à proposer : on est sur la côte ouest de l’île. Les 3 directions adressées donnent sur l’Océan. La 4ème, l’Est, donne vers le coeur de l’île… donc la terre, pas concernée par une sortie en mer !
Remarque : Kai Ehitu, le club de pirogues, a été fondé par des marquisiens-tahitiens immigrés, et leurs usages ne sont pas forcément représentatifs de la culture hawaiienne… Je ne sais pas si les autres clubs de pirogue font de même.

Je les regarde partir et décide d’aller me baigner pour me consoler.
Je rejoins la plage de départ de l’Ironman, très fréquentée à cette heure matinale. Tout le monde fait son sport pour commencer la journée, souvent juste avant d’aller travailler. C’est le lieu de pratique habituel de la natation des habitants. Tout le monde se salue, a l’air de se connaître. Les hawaiiens sont des adeptes de l’activité physique. Je ne parle pas de sport ni de performance. Juste bouger, profiter du climat, de l’environnement et de la nature clémente des lieux.
Le vestiaire ? Une simple étagère sur le quai au bout du port. On laisse ses affaires en confiance…

Pas de pirogue donc, et il est encore tôt. J’ai regardé la météo. Un petit vent d’ouest peut me laisser espérer un ciel dégagé sur le sommet de l’île, le Mauna Kea. D’habitude le vent dominant, d’Est, rabat l’air humide et des nuages sur le sommet. C’est le bon jour pour tenter d’y monter. Je rentre poser les affaires de natation et repars avec mes affaires de rando.
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Le toit de l’île
Direction Saddle Road, la route du col qui passe entre les deux sommets de l’île — comme une selle : Saddle, entre le Mauna Kea et le Mauna Lea — pour aller sur la côte Est. Je traverse d’anciennes coulées de lave. Puis la route s’élève vers le col. La végétation change. Je passe devant la base militaire après avoir croisé en chemin 3 hélicoptères Chinook à double rotors — les « hélicos bananes » –qui annonçaient la base. La base est nichée dans le col, sur un territoire parsemé de mini-cônes volcaniques. je m’arrête un peu plus loin pour faire quelques cliché malgré les interdictions, en bon français.

J’arrive au milieu du col à un carrefour, Pu’u Huluhulu : sur la gauche une route s’élance en ligne droite vers le sommet, comme souvent les routes de montagne aux USA ; construites après l’invention des véhicules à moteur, elles ne connaissent pas trop les lacets et la pente douce qu’exigeait la traction animale. Plus haut le ciel est plombé de nuages clairs mais bien épais…
Je monte doucement pour profiter du paysage qui change à vue d’oeil. Soudain, un truc bouge sur le bas-côté… Une bernache nēnē ! Ce sera la seule que je verrai de tout le voyage.

J’arrive au centre touristique, à 2800m, en plein dans la couche de nuages. Je visite brièvement l’exposition et demande aux guides s’il y a une chance de passer au dessus du plancher des nuages en montant aujourd’hui… ils consultent les données météo pour les observatoires astronomiques et… On me dit que oui. Yyyyes ! Je ressors pour aller m’équiper.
C’est là que je vois le panneau ! Au départ de la route vers le sommet, une guérite gardée par une Ranger porte un panneau où est écrit en gros : 4×4 seulement ! J’ai eu chaud ; si j’avais loué une berline ou le cabriolet Ford Mustang, je n’aurais pas pu monter, et j’aurais fait le déplacement pour rien ! Vive la Jeep Kompass !

Au passage de la guérite la Ranger me donne les consignes : verrouiller le mode 4×4 permanent dès cet instant — elle vérifie que je le fais bien devant elle — et, pour la descente, passer la boîte de vitesse en manuel et forcer le rétrogradage pour utiliser le frein moteur… je lui explique que je suis français, que je conduis un voiture à boîte manuelle, et que je maîtrise le frein moteur. Elle me répond qu’effectivement y’a rarement des problèmes avec les français…

J’attaque la montée; La route se change tout de suite en piste grise et on s’enfonce dans la couche de nuages, toujours avec une pente assez raide qui sollicite le moteur. La lumière fantomatique du soleil diffuse à travers les brumes, la piste de cendres volcaniques grise serpente dans un paysage lunaire, c’est surréaliste !
Enfin je débouche des nuages ! Je dois être vers 3500m… Un ciel bleu éclatant, sur lequel les pentes rouge brique du volcan tranches, et le tapis de nuages blancs tout autour… magique. Je jubile…
J’arrive presqu’à 4000m. Le sommet est à 4200m pas loin. Mais j’ai vu qu’il y avait tous les télescopes/ radiotélescopes, des parkings — du goudron, du béton et de la ferraille — bref un lieu pas très « nature ». J’ai choisi de m’arrêter un peu plus bas, au départ d’une petite balade vers un lac d’altitude… Loin de la civilisation. Je me gare : je suis seul ! J’attaque la balade. prudemment; je suis à 4000m, je n’ai jamais été aussi haut, et il y a quelques heures j’étais au niveau de la mer, je ne sais pas si je suis capable de supporter le choc…
Contre toute attente ça se passe bien ! Je ne pourrais pas courir, mais en marchant doucement ça le fait bien !

Le petit point blanc au loin, c’est la voiture…
J’arrive au lac. il est dans l’axe du soleil.

Les pentes du volcan, l’eau, la lumière, j’ai l’impression d’être… Seul sur Mars !

Je traîne un peu, je profite, puis je redescend à la voiture. La plus grosse émotion du voyage !
J’attaque la descente, et, dans la couche de nuages, me retrouve rapidement derrière une autre Jeep, plus grosse que la mienne. Alors qu’on traverse les nuages, je vois ses feux « stop » allumés en permanence : le gars ne sait pas utiliser le frein moteur…
On finit par revenir à la guérite de la Ranger. Elle a une espèce de gros pistolet électronique à la main : un thermomètre à infra-rouges ! Elle vérifie les disques de feins avant de la Jeep devant moi, lui dit un truc et lui indique le parking sur la gauche : freins trop chauds, risque de griller les plaquettes et d’aller dans le décor s’il continue la descente.
A mon tour… elle me demande si ça s’est bien passé, je lui raconte ma balade, et lui demande pour mes freins : « ils sont ok, pas étonnant avec un français… » trop fier ! je la remercie et repars…
Sur le retour un coucher de soleil flamboyant vient clore cette belle journée.

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